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  • Photo du rédacteurNecromongers

L’étranger au regard de sable

La chevelure bouillonnante, le teint frais, le regard élancé, et quelques brèves de comptoir plus loin… sa vue n’était plus qu’un champ de coton imbibé de liquide. La vie s’égraine sans heurt quand l’effort n’est pas légion. Quoi de plus neuf que le repos forcé, quand on vieillit prématurément.

Pas d’amertume en ce jour, rien n’était d’une importance capitale. Les morts savaient obstinément ce que les vivants saccageaient, la puissance du lendemain sans anticipation brisait le miracle de la subordination.

On aurait pu laisser mourir du monde, ce qui restait relatif devenait une hydre. Dans ses yeux, on aurait dit du sable venu de loin. Un coton de Panurge, un imbécile au lait frais, une épopée sans limite.

Plusieurs personnes lui on dit d’arrêter, de se taire en silence, de cesser la mise à mort de l’indifférence. Mais c’était plus fort qu’au-delà de nous, d’imaginer seulement qu’une histoire puisse ne pas arriver. Alors, son sourire fut prit pour une arme dangereuse, et on commença à le montrer du doigt.

Son calme léthargique, son allure penaude, sa carrure fantomatique et ses pupilles hypnotiques suffirent à déclencher la furie des haineux. Il restait là, à ne rien faire, il était donc capable de quelque chose d’inconnu.

Ce fut un matin pluvieux, tôt, à l’heure des ballons de blanc printaniers, que le drame coula à flot.

Les journées jusque là pétries de sa présence, honorèrent son absence d’une assourdissante névrose calomnieuse. L’homme au regard de sable n’était plus là.

Une enquête fut ouverte et des témoins auditionnés.


Agent : Sa description ?

Témoin : Allure penaude, carrure fantomatique, cheveux bouillonnants, pupilles hypnotiques, teint frais, regard élancé…

A: Pardon ?!

T : Et bien tout ça quoi !

A : Vous appelez ça une description ? Je ne comprends rien !

T : Je ne sais pas quoi vous dire d’autre, c’est comme ça qu’il était connu.

A : Je ne peux pas marquer ça sur le rapport, on ne sait pas à quoi il ressemble.

T : Vraiment ? Vous n’avez pas d’images poétiques qui vous viennent ? Mais vous voyez les gens comment vous ?

A : Age, taille, poids, couleur des yeux, des cheveux, ce genre de truc.

T : Je ne comprends pas.

A : Vous ne comprenez pas quoi ?

T : Je ne comprends pas qu’on puisse encore en être à décrire les gens de façon identique, avec aussi peu de variantes pour pouvoir les retrouver .

A : Les retrouver ? Mais votre gars est introuvable avec des informations aussi vagues, floues et dénuées de caractéristiques précises !

T : La poésie retrouve tout le monde. La poésie ne formate personne. La poésie est une arme de précision massive.


Nous n’en saurons pas plus. Les éléments de l’enquête n’ont pas été dévoilés.

Ce qu’on sait en revanche, c’est que depuis son absence chacun prend le temps de se scruter avant d’entamer le dialogue. Lui qui était là auparavant pour fédérer les haines, avec son sable dans les yeux, sa condescendance passive, sa différence inconnue… ils en avaient peur, ce qui leur permettait de vivre ensemble sans craindre l’autre, puisqu’il était le démon de tout le monde.

Ils apprirent donc à se supporter en silence, comme quand on ne sait pas si cela est nécessaire d’aimer ou pas. L’amour a toujours eu bon dos pour vivre ensemble.

Depuis, le bruit des ballons de blanc qui tintent, tôt, dans la brume des esprits conspirateurs, se dégustent sans un seul regard de sable.


On apprit plus tard qu’un témoin avait donné une description très technique du disparu à la police, qui fut notée officiellement dans le rapport. Jamais personne ne le retrouva.


©Necromongers


( Et n'oubliez pas d'aller voir le reste de mes textes sur : https://wordpress.com/post/thenecromongersblog.wordpress.com/1440

mon blog originel toujours actif)



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